Attestations aux heures de pointe, centres commerciaux fermés… La situation sanitaire en région parisienne impose un déconfinement plus partiel que sur le reste du territoire.
Par Denis Cosnard / Article du Monde publié le jeudi 7 mai à 20h00
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L’Ile-de-France va bien sortir du confinement à compter du 11 mai, comme tout le reste de l’Hexagone. Le premier ministre, Edouard Philippe, l’a confirmé jeudi 7 mai. Après avoir semble-t-il hésité jusqu’au dernier moment, le gouvernement a finalement choisi de ne pas décevoir l’attente qu’il avait lui-même créée.
Mais la région française à la fois la plus peuplée et la plus endeuillée par l’épidémie va faire l’objet de règles spécifiques, plus strictes que dans les autres régions situées elles aussi en « zone rouge » : Hauts-de-France, Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté. Un traitement particulier justifié par la situation sanitaire, toujours critique en région parisienne, ainsi que par le risque élevé de saturation des transports en commun. Il s’agira d’un déconfinement « sous contrainte et haute surveillance », résume Valérie Pécresse, la présidente de la Région.
Ainsi les centres commerciaux de plus de 40 000 m2 « pourront rouvrir » le 11 mai partout en métropole « sauf en Ile-de-France », a indiqué le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Dans la région parisienne, « les risques sanitaires (…) nous amènent à reporter leur ouverture », a-t-il expliqué. Le Forum des Halles et les Galeries Lafayette resteront notamment clos au public.
De même, l’accès aux transports en commun en Ile-de-France, aux heures de pointe, sera réservé aux personnes disposant d’une attestation de leur employeur « ou ayant un motif impérieux de se déplacer », a précisé la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne, qui dispose de la tutelle sur les transports. Elle répond ainsi à une demande de Valérie Pécresse, présidente de la région et d’Ile-de-France Mobilités, l’instance organisatrice des transports dans la région. Comme ailleurs, le port du masque sera obligatoire pour les passagers à partir de 11 ans, sous peine d’une amende de 135 euros.
Une crise sanitaire toujours aiguë
Le gouvernement a par ailleurs appelé les 12 millions de Franciliens à rester particulièrement vigilants. « Nous invitons les habitants de l’Ile-de-France à limiter leurs déplacements au strict nécessaire et l’ensemble de la population à appliquer encore plus scrupuleusement les gestes barrières », a déclaré le ministre de la santé Olivier Véran. Mais pour l’heure, les masques gratuits promis par la Mairie de Paris ne sont toujours pas disponibles. Et dans les rues de la capitale, peu de passants en utilisent, loin du port généralisé qui, avec d’autres mesures, a permis à une ville comme Hongkong de juguler l’épidémie.
Stop ou encore ? C’est clairement en région parisienne que les décisions à prendre pour la sortie du confinement étaient les plus délicates. Avec, d’un côté, la volonté de relancer l’activité dans la première région française en matière économique – elle représente à elle seule 30 % du PIB national. Et, de l’autre, une crise sanitaire toujours aiguë, qui implique le maintien de mesures très strictes, et aurait pu justifier la prolongation du confinement.
En Ile-de-France, le SARS-CoV-2 continue à se propager activement. Sur la carte officielle de circulation du virus, Paris et le Val-d’Oise restent les seuls départements métropolitains en rouge. Ce sont les seuls où les suspicions de coronavirus représentent encore plus de 10 % des passages aux urgences.
Par ailleurs, le nombre de cas avérés de coronavirus en Ile-de-France « reste plus élevé qu’espéré », a reconnu le premier ministre. Au dernier pointage, effectué le 7 mai, quelque 9 564 personnes demeuraient hospitalisées dans la région à cause du Covid-19, soit seulement 28 % de baisse par rapport au pic atteint mi-avril. Sur ce total, 1 254 patients étaient en réanimation, un chiffre en recul lui aussi, mais toujours supérieur au nombre de places de « réa » avant la crise (1 200 lits). A elle seule, l’Ile-de-France concentre 41% des hospitalisations pour Covid-19 dans le pays.
15 % de l’offre francilienne de transports
A cela s’ajoute une très vive inquiétude concernant les transports en commun. Souvent déjà saturés en temps normal, ils risquent de connaître une tension maximale à la sortie du confinement. Pour éviter une reprise de l’épidémie, il faut à tout prix éviter que Parisiens et banlieusards ne s’entassent à nouveau dans des métros, des RER, des bus ou des trams bondés, qui deviendraient des bouillons de culture.
Or, à partir du 11 mai, l’offre de transports restera très limitée en Ile-de-France. Compte tenu des nouvelles règles sanitaires, un siège sur deux sera condamné dans les wagons. Une rame dans laquelle 700 à 1 000 personnes pouvaient trouver place en acceptera désormais moins de 200. En outre, faute de personnel, tous les métros, bus, etc., ne circuleront pas. Au total, les autorités s’attendent à ce que l’offre francilienne de transports en commun ne représente au démarrage qu’environ 15 % de son niveau habituel.
D’où la nécessité de contenir très fortement la demande. En Ile-de-France, « l’objectif est que la fréquentation, qui est aujourd’hui de 6 %, reste limitée à 15 % », a expliqué Elisabeth Borne. Telle est la raison de l’appel pressant du gouvernement à poursuivre le télétravail, et à utiliser le moins possible les transports en commun. Telle est aussi la justification de l’attestation obligatoire aux heures de pointe, une mesure absolument inédite.
Edouard Philippe a annoncé qu’un nouveau point d’étape serait effectué le 2 juin, afin de « passer à une nouvelle phase » du déconfinement ou, en cas de « mauvais résultats », « en tirer les conséquences ». Il paraît peu probable que l’Ile-de-France puisse passer à cette date à une nouvelle phase. Au mieux, elle pourra sans doute revenir au régime général des régions en rouge. Au pire, elle devra faire de nouveau l’objet d’un confinement strict.
Denis Cosnard