Quatrième journée Deuxième méditation
Celui-Ci est mon Fils, le Bien-Aimé (Mc 9, 2-13)
Le texte que nous prenons maintenant est celui qui fait suite immédiatement à notre lecture précédente. Nous sommes au chapitre 9 de saint Marc et nous y prendrons les versets 2 à 13. Deux épisodes s’enchaînent ici: la Transfiguration, puis le bref dialogue à propos d’Élie qui doit revenir. L’épisode central est évidemment celui de la Transfiguration. Voyons la manière dont le début du récit nous est proposé, puis nous essaierons de nous introduire à l’intérieur de ce que nous offre ainsi l’évangile.
«Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une telle blancheur qu’aucun foulon sur terre ne peut blanchir de la sorte.» Voilà donc la description dans ce qu’elle a de plus essentiel. Jésus est sur la montagne, un peu comme Moïse s’était rendu sur la montagne du Sinaï à la rencontre de Dieu. Moïse d’ailleurs, resté là six jours comme nous dit le texte de l’Exode, soudain se trouva en présence de Dieu (Exode, 24, v. 12 et ss) : « Yahvé dit à Moise: « Monte vers moi sur la montagne; demeure là, que je te donne les tables de pierre.” Moise se leva… monta sur la montagne, la nuée le couvrit sur la montagne, la Gloire de Yahvé s’établit sur le mont Sinaï et la nuée le couvrit pendant six jours. Le septième jour, Yahvé appela Moïse du milieu de la nuée. L’aspect de la gloire de Yahvé était aux yeux des Israélites comme une flamme dévorante au sommet de la montagne.» Il y a bien sûr, dans l’esprit et dans l’imagination des [86] disciples aussi bien que de l’évangéliste, une référence à l’expérience de la Gloire de Dieu offerte à Moïse sur la montagne, dans la nuée. Ces éléments qui reviennent dans le récit de la Transfiguration font partie de la manière dont l’Ancien Testament parle de la rencontre de Dieu avec l’homme. Mais ce n’est pas d’abord cela qui doit guider notre prière. Nous pouvons nous laisser éclairer par ces références; mais, repartant de ce que nous avons entendu ce matin, peut-être pouvons-nous nous introduire de façon plus décidée dans ce qui fait la réalité de l’événement de la Transfiguration.
Lorsque Jésus parle de son voyage à Jérusalem et de ce qui va s’y passer, je soulignais alors que, parlant de sa souffrance, de son rejet et de sa mort, Jésus ne s’arrêtait pas là, puisque l’essentiel y fait suite : la résurrection. Le passage par la souffrance, le rejet et la mort, est pour Jésus un passage vers la vraie vie. Lorsque, dans son discours adressé non pas seulement aux disciples mais à la foule, il leur dit qu’il faut perdre sa vie, il ne s’arrête pas non plus sur cette invitation qui se solderait par une perte. Il dit : « Qui perd sa vie, celui-là la sauve.» Dans la manière dont Jésus interpelle les disciples et la foule, dont il révèle le sens de sa vie et de la vie de tout homme, il ouvre à la dimension qui dépasse l’expérience de l’homme et donc la compréhension de l’homme. Dans le discours de Jésus, il est beaucoup plus facile de comprendre ce que c’est qu’être rejeté, souffrir, être tué que de comprendre l’annonce faite par Jésus de sa résurrection.
En un sens, il est plus facile de voir quel chemin suivre pour perdre sa vie que de comprendre ce que c’est que la sauver, la gagner en vérité. Il y a en effet quelque chose, en l’homme, qui dépasse l’homme. A partir de Jésus, à partir de la présence de Jésus, reconnue par Pierre comme Messie, voici que l’homme est ouvert à une destinée bien au-delà de ce qu’il peut en comprendre et de ce qu’il peut projeter à partir de soi. Il y a en effet [87] une dimension divine à l’existence que Jésus vient révéler à l’homme. Si, à travers la mort, il ressuscite, c’est parce qu’en lui, Dieu s’affirme comme le maître de la vie. Voici donc qu’à partir de Jésus, et pour nous tous qui lui appartenons, Dieu veut s’affirmer comme le maître de la vie. Voilà pourquoi perdre sa Vie, c’est la sauver, parce que c’est la recevoir de Dieu comme une vie qui n’est plus à notre mesure, mais à la mesure même de Dieu.
C’est cela qui se manifeste dans l’épisode de la Transfiguration et c’est en Jésus que cela se manifeste parce que c’est en lui que cela atteint sa vérité; mais à partir de lui, comme nous pourrons l’entendre en écoutant l’invitation du Père, cela devient vrai aussi pour nous. La Transfiguration du Christ est la promesse d’une transfiguration de notre existence à tous. Si la destinée du Fils de l’homme doit marquer l’orientation de notre propre vie, si nous avons à perdre notre vie pour le suivre, cela veut dire qu’il veut nous communiquer ce qui est inscrit dans son existence et dans sa personne et d’abord, qu’il veut le partager avec nous. C’est pourquoi Jésus nous invite à entrer dans le chemin de la vie qu’il nous indique, en n’hésitant pas pour notre part à vivre comme il a vécu, à nous laisser provoquer à vivre comme il a vécu.
Ce qui se manifeste à ce moment-là, c’est donc la transfiguration de l’être du Christ. En lui se révèle une richesse qui n’est plus simplement humaine. Le mot richesse, d’ailleurs, par lui-même, ne dit rien. Il s’agit de la profondeur de la vie, de la splendeur de la vie qui se manifeste à ce moment-là dans la vie de Jésus – la vie, comme affirmation de soi-même, comme irradiation, comme communication de soi-même, comme accueil de soi-même, la vie comme transparence d’elle-même et glorlfication de soi. C’est cela qui se manifeste à ce moment la dans la vie de Jésus, c’est cela qui nous fait découvrir quelle est profondeur du don de Dieu auquel nous avons à nous ouvrir [88]
si nous accueillonsJésus, son Fils unique, si nous nous laissons introduire par Jésus dans ce qui est la profondeur véritable de la vie que Dieu veut nous donner en son Fils.
Voilà ce qui est évoqué alors dans la description très brève que nous en donne l’évangile. Ce sont des termes qui, nécessairement ne peuvent que suggérer l’expérience vécue ce jour-là par les trois apôtres qui ont accompagné le Seigneur sur la montagne. « Il fut transfiguré devant eux. » Ce qu’ils voient, c’est sa figure. et ce n’est plus sa figure, car il y a derrière cette figure l’engendrement d’une autre figure, ou la réalité la plus profonde, la plus intérieure, la plus divine de cette figure qui se révèle à ses disciples. « Ses vêtements devinrent resplendissants, tellement resplendissants qu’aucun foulon sur la terre ne peut blanchir de la sorte.» Sans exiger du Seigneur qu’il se manifeste à nous de cette manière, sans pouvoir décider nous-mêmes quand il veut nous donner l’assurance de la réalité divine qu’il nous offre et dont il dispose pour nous, nous pouvons, dans l’accueil de l’évangile, tout à l’heure, nous ouvrir au moins à la vérité de ce qui, là, nous est dit. En Jésus, l’existence humaine dit sa nouvelle vérité, qui est à la mesure même de Dieu et de l’amour que Dieu nous porte en son Fils.
L’évangile continue : « Élie leur apparut avec Moise et ils s’entretenaient avec Jésus. » Moïse, c’est celui dont nous avons évoqué plus haut la rencontre avec Dieu, celui en qui se rassemble l’histoire du peuple accueillant. de Dieu la loi de sa vie, l’homme qui a accueilli de Dieu le don de la Loi. Élie, quant à lui, est le prophète emporté sur un char de feu, prophète vivant sa mission divine d’une manière courageuse, et terriblement exigeante ; Élie, c’est le premier des grands prophètes. Moïse et Elie évoquent la Loi et les prophètes, c’est-à-dire l’Ancienne Alliance dans son entièreté. C’est donc toute l’histoire de l’alliance de Dieu avec son peuple qui se rassemble en ce moment et qui découvre dans la personne de Jésus, et dans la transfiguration de sa personnei son [89] point d’aboutissement : tout désormais prend un sens nouveau. Le sens dernier de la vie de Moïse est au-delà de Moïse, car il se réalise en Jésus en qui la Loi est renouvelée, et devient, au sens décisif, loi de vie pour tous les enfants de Dieu. Élie se trouve également avec Jésus, parce que c’est en Jésus que l’histoire de la prophétie qui a traversé le cheminement du peuple d’lsraël trouve aussi son accomplissement. En lui, la parole de Dieu nous est adressée comme étant, au sens tout à fait fort, la parole que Dieu, maintenant, veut nous dire.
« Alors Pierre, prenant la parole, dit à Jésus: « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici, faisons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moise, une pour Élie.” C’est qu’ils ne savaient que répondre, car ils étaient saisis de frayeur.» Pierre, qui vit ce moment fort, ce moment bouleversant de son expérience, est saisi de frayeur, comme le dit l’évangéliste, car il se trouve confronté à une réalité capable de faire trembler l’homme jusque dans ses soubassements. Il y a là une présence de Dieu devant laquelle l’homme se trouve remis en cause, ne pouvant que reconnaître la grandeur de celui qui l’approche. Pierre, donc, demande, ou propose, que l’on fasse trois tentes : une pour Jésus, une pour Moïse, une pour Élie. Ainsi prétend-il revivre dans le souvenir, l’histoire de la présence de Dieu au milieu de son peuple, lorsqu’ensemble les Hébreux traversaient le désert, et lorsque par l’arche d’Alliance, dans laquelle étaient contenues les Tables de la Loi, Dieu habitait sous la tente. Il s’agissait donc de poursuivre cette traversée du désert. Jésus désormais trouverait sa place avec Moïse et Élie dans une traversée les conduisant vers la Terre Promise. Mais nous ne sommes plus dans la traversée du désert, puisque Moïse et Élie reconnaissent en Jésus celui en qui l’Alliance s’accomplit définitivement. Il n’y a plus à attendre l’entrée dans la Terre, puisque Jésus est celui qui nous ouvre les portes du Royaume, puisqu’en lui la terre est désormais habitée par Dieu et par les enfants de Dieu. [90]
« Une nuée survint qui les prit sous son ombre, et une voix partit de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le.”» Cette nuée, dont nous avons vu tout à l’heure la mention dans l’épisode de la rencontre de Moïse avec Dieu sur le mont Sinaï, la voici qui prend les trois disciples autour de Jésus sous son ombre. Ils sont pris ensemble dans la présence divine. C’est Dieu qui, en un sens, veut s’emparer de leur existence et leur donner son élan et sa vérité. Ils sont là, pris dans la nuée. Et la voix s’adresse à eux, cette voix qui, au moment du baptême dans l’évangile de Marc s’adressait seulement à Jésus : «Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur. » Voici que la voix du Père s’adresse désormais à nous : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé écoutez-le. » Jésus est celui en qui Dieu nous donne son Fils, et en qui, dès lors, il nous enfante à notre vraie vie. En ce Jésus habité par la gloire du Père, voici que nous aussi nous avons à accueillir la gloire qui doit résider en nous. Saint Paul parle, en certains passages, de cette gloire de Dieu à laquelle nous sommes destinés, par exemple dans la lettre aux Romains, au chapitre 8, au verset 18 : « J’estime en efi‘et que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. » Ou bien encore, dans la Deuxième lettre aux Corinthiens, chapitre 4, versets 16 et suivants : « C’est pourquoi nous ne faiblissons pas. Au contraire, si notre homme extérieur tombe en ruines, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car la légère tribulation d’un instant nous prépare jusqu’à l’excès une masse éternelle de gloire. »
C’est bien cela que nous pouvons découvrir en contemplant la Transfiguration de Jésus, en voyant comment, à la fois, elle est révélatrice du mystère de Jésus et de ce à quoi nous sommes appelés, de notre vraie vocation d’homme, c’est-à-dire de notre vocation de fils de Dieu. « Une masse éternelle de gloire», voilà ce que Paul nous dit que nous avons à accueillir, à savoir cette gloire qui doit envahir notre vie pour la transfigurer. La vie de [91] l’homme qui offre son existence, qui la perd, qui se laisse prendre dans le mouvement de don qui vient du cœur de Dieu, lequel suscite en nous, au moment même où nous l’accueillons, le même mouvement de don. Le don définitif de nous-mêmes est indissociablement la réalisation de la gloire de Dieu.
Voici en effet que l’humanité se laisse habiter par Dieu et se laisse transfigurer dans la mesure où elle est entraînée dans le mouvement qui saisit la vie du Fils unique et qui s’empare de tous les siens. C’est bien ce que le Père proclame : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. » «Écoutez-le», c’est-à-dire obéissez au mouvement de sa vie. Il vous a dit ce qu’était 1a vie : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’évangile la sauvera. » « Écoutez-le », cela signifie dès lors : laissez ses paroles devenir en vous source de vie, produire en vous leur vérité, réaliser en vous ce que le don du Père réalise en la vie de son Fils unique, et ce qu’il veut réaliser dans la vie de chacun de ses enfants. En contemplant la gloire du Fils, nous acceptons dès lors de vivre ce qu’il nous dit, d’entrer avec obéissance dans ce qui est le mouvement de sa propre vie obéissante au Père.
« Soudain, regardant autour d’eux, ils ne virent plus personne que Jésus seul avec eux. » Après que 1e Père ait confirmé la révélation de son Fils, après qu’il ait confirmé l’authenticité et l’autorité des paroles adressées par Jésus, voici qu’Il se retire, et que l’événement de la Transfiguration s’achève. Il peut y avoir parfois dans notre existence des moments forts de l’expérience de Dieu, des moments où nous percevons davantage l’emprise de la gloire divine, de la présence divine, de l’amour de Dieu. Mais nous n’avons pas à marcher seulement en fonction de cela. Après ces moments peuvent en venir d’autres, qui sont davan- tage caractérisés par ce que nous appellerions un certain silence de Dieu, une certaine discrétion de Dieu. L’important, c’est que [92] nous laissions vivre en nous une foi profonde, une foi totale la personne de Jésus et en sa parole, et que nous reconnaissions la présence discrète de Jésus dans nos vies, à travers tant de signes : les signes sacramentels et les signes ecclésiaux de sa présence, le signe de sa parole et le signe du frère. Jésus habite dans nos vies, si nous sommes attentifs à le reconnaître et à accueillir ce qu’il nous offre. « Ils ne virent plus personne que Jésus seul avec eux.» Mais cela suffit à notre vie : voir Jésus, le reconnaître dans la foi, savoir que c’est lui qui est notre guide, et qu’il nous faut continuer à l’écouter, à laisser sa parole modeler notre existence et nous indiquer quelle est la voie de notre vérité et de notre salut.
« Comme ils descendaient de la montagne, il leur recommanda de ne parler à personne de ce qu’ils avaient vu, si ce n’est quand le Fils de l’homme serait ressuscité d’entre les morts. Ils gardèrent la recommandation, tout en se demandant entre eux ce que signifiait ressusciter d’entre les morts. » Si nous nous demandons pourquoi Jésus leur ordonne de ne rien raconter à personne, la fin du verset 10 nous donne facilement la réponse : « Ils se demandaient entre eux ce que signifiait ressusciter d’entre les morts.» Comment peut-on parler de ce qu’on ne sait pas encore, et qu’il est bien difficile de comprendre ? Les disciples ont entendu le discours de Jésus, que nous avons déjà commenté: il va vers la mort pour ressusciter. Mais que veut dire ressusciter d’entre les morts ? C’est là une expérience qui n’est pas sous nos prises, et la Transfiguration est comme une anticipation de la glorification du Fils, du jour de sa résurrection. C’est seulement lorsque le Fils sera glorifié dans sa résurrection que prendra son sens la révélation qui fut donnée au moment de la Transfiguration. C’est donc à l’intérieur de leur mémoire, à l’intérieur de leur expérience de Jésus qu’ils doivent garder cela, en attendant le jour où ils pourront comprendre ce que Jésus, ainsi, a voulu leur offrir et leur révéler. [93]
» Et ils lui posaient cette question: » Pourquoi les scribes disent-ils Elie doit venir d’abord ?” Il leur dit: « Oui, Êlie doit venir d’abord et tout remettre en ordre. Et comment est-il écrit que le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir et être méprisé ? Mais je vous le dis : Elie est déjà venu, ils l’ont traité à leur guise comme il est écrit de lui »» « Elie doit venir d’ abord », c’était ce que disaient les scribes, et nous avons une évocation de cela à la fin du livre de Malachie, qui est le dernier des livres de l’Ancien Testament. Il s’agit des deux derniers versets du chapitre 3, les versets 23 et 34; « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que n’arrive le jour de Yahvé grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leur père, de peur que je ne vienne frapper le pays d’anathème. » On attendait donc, dans certains milieux juifs, le retour d’Élie, puisqu’aussi bien, il avait été emporté dans un char de feu et donc, semble-t-il, n’était pas passé par la mort. Comment Jésus répond-il à la question qui lui est posée à propos de ce retour d’Élie ? Plutôt que de s’attarder sur un commentaire concernant la destinée et l’histoire d’Élie, Jésus remet cette histoire d’Élie à sa place, c’est-à-dire comme une histoire ordonnée à celui qui est au cœur de l’histoire et qui l’éclaire tout entière. C’est à partir de Jésus, et de la manière dont il vit l’histoire des hommes, que toute autre histoire peut être correctement interprétée et lue. Après avoir entendu la question des disciples, Jésus répond donc : « Élie doit venir d’abord tout remettre en ordre.»
« Comment est-il écrit du Fils de l’homme qu’il doit beaucoup souffrir et être méprisé ? » Jésus revient alors sur son enseignement : le Fils de l’homme doit souffrir et être méprisé. C’est cela qui nous fait comprendre l’histoire d’Élie. « Élie, ils l’ont traité à leur guise comme il est écrit de lui. » Reportons-nous à toute l’histoire d’Élie : une histoire bien rude, continuellement menacée, une histoire dans laquelle Élie semble à bien des moments n’échapper que difficilement à la mort. L’histoire du Fils de [94] l’homme, l’histoire que Jésus va accomplir, est celle qu’il vient de rappeler : l’histoire du passage à travers la mort pour entrer dans la vie. Telle est l’histoire de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, appartiennent au Fils de l’homme : Élie, et cet autre Élie qui devait revenir, c’est-à-dire Jean-Baptiste. « Je vous dis, proclame Jésus, Élie est déjà venu », il est venu dans la personne de Jean, et lui aussi a été finalement mis à mort.
L’histoire retrouve donc son unité dans la mesure où on la comprend à partir de la destinée du Fils de l’homme. C’est là que s’éclaire l’histoire d’Élie comme tout le reste de l’histoire, notre histoire maintenant et l’histoire de toute l’humanité. Passage bien sûr à travers la souffrance et la mort, mais pour entrer dans la vie, et c’est cela que nous a manifesté, de façon tout à fait exemplaire, l’épisode de la Transfiguration. Nous sommes invités à découvrir quelle est la profondeur de la vie à laquelle nous sommes appelés et qui déjà nous est communiquée : une vie qui est au-delà des prises de l’homme parce qu’elle est le don de Dieu fait à l’homme, le don de la vie éternelle, le don d’être pour toujours enfants de Dieu.
Commentaire de Marc 9, 2-13
Simon Decloux
« Croyez à l’Évangile » retraite de huit jours à la suite de Saint Marc, Editions Fidélité 2007
p. 85-94