Les 3 convictions de l’accompagnateur

Joseph Thomas s.j.

Une pédagogie fondée sur l’expérience d’accompagnement spirituel de saint Ignace de Loyola


Quiconque se lance dans cette entreprise qui consiste à aider quelqu’un doit porter en soi trois convictions.

1) La première est très évidente. c’est que chacun est a’ nul autre semblable; chacun est original ; il y a des différences et des inégalités ; on est rendu plus ou moins loin dans toutes sortes de domaines La conclusion. c’est que même si nous sommes obliges de travailler en groupe, nous nous refusons à travailler en série ; on n fabrique pas des hommes en série. il n’y a pas de moule unique dans lequel tout le monde doit passer; à chacun sa voie, à chacun son rythme, à chacun sa personnalité.

On ne fait donc pas n‘importe quoi avec n’importe qui. il faut avoir ce réalisme et cette humilité de ne pas prétendre faire accéder trop loin, trop haut. les gens qui ont besoin de franchir d’abord un certain nombre de seuils ; je crois que, dans quantité de domaines, il y a à lutter contre l’impatience et parfois à rester longtemps dans ce sas d’entrée,

2) La seconde conviction, c’est la foi dans le progrès possible . Cela doit être une hantise : il y a toujours davantage a faire. Chacun est capable de progresser; la croissance de l’homme n’est jamais arrêtée, elle n’est jamais bloquée. Donc foi de l’éducateur dans le progrès possible de celui qu’il assiste sans jamais etre découragé, sans jamais être lié par les échecs passes, sans jamais être blessé par les refus que l’on a rencontrés.

Le problème est de pouvoir partager cette foi et cette espérance avec celui pour qui et avec qui je travaille: un point difficile. Ma confiance peut etre contagieuse. mais la confiance ne s’impose pas. Vous vous souvenez de l’éternel bulletin que nous recevions. ou que nous avons nous—mêmes fabriqué : « pourrait mieux faire ». Ce « pourrait mieux fai’re » n’est pas simplement une sorte de remarque en trop : ce doit être notre conviction. Mais est-ce que le gosse, lui, sait qu’il peut mieux faire ? Est-ce qu’il a confiance, est-ce qu’il a confiance dans un progrès possible ? C’est probablement l’un des grands problèmes et des grands drames de l’éducation. Saurons-nous communiquer – non pas cet optimisme inconsidéré – mais cette espérance inconfuslble ?

3) La troisième conviction semble diamétralement opposée : le progrès est possible. mais en réalité « c’est mal parti». S’il y a croissance, s’il y a progrès, c’est à partir d’une situation dans laquelle l’homme ne peut se développer totalement. Il est littéralement noué. Il y a un mot ignatien très typique, « les attachements » ; on est « attaché » et quand on est attaché, on n’est plus libre, on ne peut pas grandir, on ne peut pas croître même chez les jeunes enfants. Il y a un éveil de l’instinctuel plus rapide que celui du rationnel. Il n’y a donc pas simplement au départ inachèvement des êtres. Il y a davantage, il y a les menaces internes, il y a des liens qui les tiennent captifs et il y a la possibilité permanente de décroissance. de décréation.

Face à tout cela, le grand moyen pédagogique, c’est le dialogue. La pédagogie est dialogue. On ne forme pas les hommes, l’homme se forme. Mais ajoutons aussitôt : il ne se forme pas tout seul, La pédagogie est dialogue et tous, quel que soit notre âge, nous avons toujours besoin d’un compagnon de route, nous avons toujours besoin d’un témoin. Ce n’est pas un arbitre. Non, le bon témoin marche avec et cherche à acquérir peu a peu la connaissance de l’autre, dans le respect de ses différences. respectueux de sa liberté. confiant et capable de susciter la confiance en soi. Ce qui manque le plus autour de nous. c’est la confiance des gens en eux-mêmes. Lorsque l’esprit du mal fait que cette confiance est partie, il faut qu’ils trouvent auprès d’eux un être bon et encourageant. Le bon éducateur, c’est l’éducateur bon. Il n’y a pas d’autre secret.