Écritures et vocation

Une vocation au IV° siècle :

Saint Athanase d’Alexandrie, La vie d’Antoine, n° 1-3.

« L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt IV, 4). Dans son hagiographie, Athanase décrit l’enfance d’Antoine comme l’incarnation de cette prophétie. Tel les disciples, le jeune homme se fait disciple, quittant tout et menant sa vie en vivant selon la Parole de Dieu.

1. Antoine était Égyptien de naissance ; ses parents étaient nobles et possédaient une fortune assez considérable ; comme ils étaient chrétiens, ils l’élevèrent chrétiennement. Dès sa plus tendre enfance, il demeura avec ses parents, ne connaissant qu’eux et la maison paternelle ; lorsqu’il fut plus avancé en âge, il ne voulut pas étudier les belles-lettres pour ne pas avoir de communications avec les autres enfants ; tout son désir était, comme il est dit de Jacob, d’habiter en homme simple dans sa maison (Gn 25, 27). Il allait cependant avec ses parents dans le temple du Seigneur. On ne voyait point en lui la négligence d’un enfant, et il ne devint pas méprisant et orgueilleux en grandissant, mais il était soumis à ses parents, attentif à la lecture des livres saints, et conservant dans son cœur les utiles leçons qu’il y trouvait. Quoique né dans une assez grande opulence, il n’importunait pas ses parents pour avoir une nourriture variée et somptueuse, il ne recherchait point les plaisirs de la table, mais, content de ce qu’il trouvait, il ne demandait rien de plus.

Après la mort de ses parents, il resta seul avec une sœur en bas-âge ; il avait alors dix-huit à vingt ans et se chargea lui-même du soin de gouverner sa maison et d’élever sa sœur. Six mois ne s’étaient pas encore écoulés après la mort de son père et de sa mère, lorsqu’un jour, se rendant à l’église suivant sa coutume, il méditait le long du chemin et repassait dans son esprit comment les apôtres avaient tout abandonné pour suivre le Sauveur (Mt 19, 27), et comment ceux dont il est parlé dans les Actes, vendant ce qu’ils possédaient, le portaient aux pieds des apôtres pour le distribuer aux indigents (Ac 4,34-35), et quelle grande espérance leur est réservée dans les cieux. En faisant ces réflexions, il entra dans l’église ; on lisait en ce moment l’Évangile, et il entendit le Seigneur qui disait au riche : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres ; alors viens, suis-moi, et tu auras un trésor dans les cieux. (Mt 19, 20-21.) »

2. Alors Antoine, comme si Dieu lui-même eût rappelé à son esprit le souvenir des saints, et comme si la lecture eût été faite pour lui seul, sortit à l’instant de l’église, et toute la fortune que lui avaient laissée ses parents, et qui consistait en trois cents arpents de bonnes terres, il en fit don aux habitants du village, afin que sa sœur et lui fussent débarrassés de toute espèce de soin ; tout le mobilier qui leur appartenait, il le vendit, et après en avoir retiré une somme assez considérable, il la distribua aux pauvres, n’en réservant qu’une faible part pour sa sœur. Mais étant entré de nouveau dans l’église, il entendit le Seigneur qui disait dans l’Évangile : « Ne vous inquiétez pas du lendemain. (Mt 6,34.) » Il ne put rester plus longtemps ; il sortit et donna ce qui lui restait à des gens peu aisés. Pour lui, après avoir confié sa sœur à des vierges d’une foi et d’une piété reconnues, pour être élevée dans leur chaste demeure, il s’adonna près de sa maison à la vie ascétique, veillant sur lui-même et se traitant avec rigueur. Il n’y avait pas encore à cette époque de véritables monastères en Égypte, mais celui qui voulait travailler à sa perfection s’y exerçait à part en se retirant à quelque distance de son village.

3. Il y avait alors dans le village voisin un vieillard qui, dès sa jeunesse, avait embrassé la vie solitaire. Antoine alla le voir et rivalisa de vertu avec lui ; il se fixa d’abord dans un endroit qui était en face de son village, et là, s’il venait à entendre parler de quelque homme vertueux, tel qu’une industrieuse abeille, il se mettait à sa recherche, ne revenait point chez lui sans l’avoir vu et ne le quittait qu’après avoir reçu de lui, pour ainsi dire, un secours de voyage pour marcher dans le chemin de la vertu. Il demeura là dans les commencements, se fortifiant dans la résolution de ne plus retourner dans les possessions de ses pères et d’oublier ses parents. Tout son désir, toute son ardeur, tendaient à la perfection ascétique ; il travaillait de ses mains, se souvenant de cette parole de l’apôtre : « Que celui qui ne travaille pas ne mange pas. (1Thess., 3-10.) » Ce qu’il gagnait, il l’employait à ses besoins et au soulagement des indigents ; il priait continuellement, car il avait appris qu’on doit prier en particulier sans interruption. (Thess., 5-17.) Il s’appliquait tellement à la lecture des livres saints qu’il n’en laissait rien échapper ; il retenait tout ce qu’il lisait au point que sa mémoire dans la suite lui tenait lieu de livre.