Tino Sehgal au Palais de Tokyo

Carte blanche au Palais de Tokyo


Pour rappel : « Welcome to this situation » – Festival d’Avignon 2011 – 

(Évocation … pour donner envie d’aller vivre ce qui est actuellement monté au Palais de Tokyo sans tomber dans les « Spoilers » et gâcher ainsi l’expérience qui sera unique à chaque visite pour chaque visiteur)

Un murmure se fait entendre puis éclate en un vibrant «Welcome to this situation» : ainsi est saluée chaque nouvelle arrivée dans une petite salle, libre d’accès 6 h durant. Spectateurs et « joueurs », pour reprendre le terme de Tino Sehgal, semblent indistinctement adossés au mur ou assis au centre de la pièce. Une nouvelle « situation » s’ouvre alors en une nouvelle citation, anonyme mais toujours datée : «En …, quelqu’un a dit …» S’en suit une libre conversation entre les « joueurs », voire parfois avec les spectateurs pris au jeu de cet échange. Selon sa culture on pourra s’amuser à reconnaître Nietzsche ou Derrida mais l’essentiel est dans cette conversation flottante que chacun des « joueurs » entretient, par sa réflexion, son expérience ou sa réaction. L’enjeu entre eux n’est pas de briller ni de gagner mais bien d’entretenir, paisiblement, amicalement, intelligemment ce que la citation vient d’ouvrir. Ni café philosophique ni joute oratoire, les mots et la pensée ont le mouvement lent, filé et souple dans lequel Tino Sehgal maintient ses « joueurs ». En position statuaire d’un musée imaginaire, au début de chaque situation, ceux-ci en effet ne cessent de se déployer, d’onduler, imprimant à leur souffle comme à leur pensée un rythme fluide, paisible et communicatif. Grâce à eux ce qui pourrait rester à l’état de perles pour cochons assis convie ceux qui restent immobiles à se laisser déplacer en une singulière réflexion intérieure. Le charme agissant, le spectateur se met à penser avec ses auteurs, ses textes, ses rencontres, gratuitement, comme en une intimité amicale et dialoguante. Quelle saveur indicible dans cette construction de l’éphémère ! En 1556, quelqu’un a écrit : « tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. » Grâce à la complicité cultivée de ses huit « joueurs » Tino Sehgal nous a fait goûter qu’il pouvait en être autrement, Salle Franchet, au Lycée Saint Joseph d’Avignon entre le 8 et le 24 juillet 2011.

Mais de tout cela vous ne verrez rien puisqu’il s’agit d’une installation éphémère, à moins qu’un musée, une galerie, un théâtre n’ouvre son espace à cette mise en situation.